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La vie est drôle...*
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La vie est drôle...*
29 avril 2008

odeurs

En voyant quelquefois un aveugle dans la rue déambuler avec sa canne blanche, je me demande lequel de mes cinq sens est le plus indispensable.  La vue ou le toucher sont certainements les plus vitaux. L’ouïe, le gout….difficile de m’imaginer vivre sans entendre la voix de mes amis, de mes sœurs, sans entendre le chant des oiseaux, le bruit des vagues, et meme le tumulte de la rue un Lundi matin, tout autant que de ne plus jamais ressentir sur ma langue le sucré d’un bonbon ou le salé d’un baiser.

Pourtant, si je devais profiter une dernière fois d’un sens, exclusivement, s’il me restait seulement 5 ou 10 minutes de vie, ce serait certainement l’odorat que je choisirais.

L’odeur du pain chaud. Les croissants. La route mouillée en été. La mer. Un nuage de parfum laissé dans la rue. Une voiture neuve. Le gazon réchauffé par le soleil. Le melon coupé en deux. Le feu dans la cheminée en hiver. Le pelage du chat. La peau d’un bébé. Le linge étendu. La salle de bain apres la douche.

L’odeur est à elle seule un souvenir entier. L’odeur nous projette dans un instant, elle rappelle tous les sens a la fois, comme un flash sensoriel, une photo instantanée ou notre cœur cesse de battre l’espace d’un clic, elle ouvre les vannes du souvenir, on glisse sur un toboggan dans un vertige de sensations, en chute libre vers le passé, pour enfin arriver sur l’Instant, le revivre l’espace d’une seconde, se remplir les poumons de souvenir puis soupirer de nostalgie.

L’odeur est là, mais l’instant, lui, est bel et bien passé.

La dernière fois que j’ai vécu cette secousse emotionnelle, c’etait lors d’un diner chez un ami. Comme très peu de gens le font encore aujourd’hui, il achète son café en grains et le moud lui-même. J’ai proposé de l’aider, et quand j’ai ouvert le couvercle du moulin, un torrent de sensations est passé dans mes veines, pour arriver jusqu'à mon cœur, le soulever, puis le laisser retomber lourdement. Je suis chez ma grand-mère, j’ai des  feutres a la main, je dessine une tête en formant les chiffres  6, 4, 2, l’un en dessous de l’autre pour faire un œil, un nez et une bouche de profil. Je dessine ma série de 6, 4, 2, puis je continue un peu plus loin en bleu, puis en rose. 6, 4, 2. J’ai du papier, j’ai de la place. 6, 4, 2. C’est l’été, le soleil passe à travers les volets entrouverts. La chaise craque quand je replie une jambe sous mes fesses. La nappe en plastique colle un peu à mes coudes. J’entends les pas de mémé sur le plancher, elle traine des pieds avec ses pantoufles. La porte du placard qui grince, le bruit du moulin, le clapotis de la cafetière et des dernieres gouttes qu’elle crache. Mémé s’asseoit a côté de moi et elle me donne un demi verre de café avec du lait concentré sucré. Un petit verre qui tient parfaitement dans mes petites mains.

En se regardant, comme ça, sans rien dire, on prend le café.

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