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La vie est drôle...*
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La vie est drôle...*
20 mars 2006

le premier bain

Le premier bain du printemps.

Il est sur la plage. Il a etalé sa serviette sur le sable, et l’a lestée avec 4 cailloux, un a chaque coin. Il s’est assis, puis a commencé a se deshabiller.D’abord il a defait ses lacets : il les a desserrés, un pied, puis le deuxieme, il a retiré ses chaussures et les a posées bien à plat sur le bord de la serviette. Puis il a retiré ses chaussettes, et les a roulées en boule pour les enfoncer dans les chaussures. Il a retiré son t-shirt, son pantalon, et les a posés bien pliés sous sa tête.

Allongé en maillot sur sa serviette, les  bras alignés sur les rayures du tissu, la tete bien calée et les yeux fermés, il est bien. A travers ses paupieres fermées, le soleil forme de petits cercles rouges, jaunes, verts, qui s’illuminent et se deplacent. Il filtre les rayons entre ses cils, mais la lumière est trop forte, il plisse les yeux et fronce un peu le nez, ses rides se creusent un peu plus au coin de ses yeux, et se fraient un chemin jusqu'à ses tempes grises. Il deplace un peu son bras et sa main touche le sable chaud. C’est doux, il le laisse glisser entre ses doigts, magie du toucher, le sable chatouille ses paumes, c’est agreable, apaisant, de sentir le poids de la poudre se reduire peu a peu, comme un sablier remplissable a volonté, on peut tricher et revenir en arrière autant de fois qu’on le souhaite. Pas comme dans la vie.

Sa peau chauffe, bientôt il ne fait plus qu’un avec le sable, avec la plage, et de fines gouttes de sueur perlent sur ses tempes, une goutte glisse vers son oreille et le chatouille ; il se lève et va se baigner.

Ses pieds frissonnent en passant du sable chaud et souple de la plage à celui du bord de l’eau, froid et dur.

Il regarde les vaguelettes qui viennent lui caresser les doigts de pieds. Elles le touchent puis s’en vont aussitôt, elles semblent lui dire «  attrape nous si tu peux » .

Il leve les yeux et regarde l’horizon, le bleu de la mer se confond avec le bleu du ciel. Le reel :  palpable, et l’aerien : abstrait. Qui est le reflet de qui ?

Les decoupes de la cote lui rappellent qu’il habite une grande plaque bordee d’eau, une fine couche de terre que le Créateur nous octroie pour survivre. Le niveau pourrait monter, un jour : que  ferait-on ,alors ? Ne nous sentirions nous pas impuissants, nous, brillants inventeurs de la bombe atomique, face a une simple montée des eaux ? Ridicules insectes, luttant pour respirer un peu d’air, noyés dans une goutte d’eau ?

Une vague un peu plus forte le ramene a la réalité de l’instant : se baigner, il allait se baigner.

Il avance progressivement dans l’eau, et sent la douceur du sable tendre sous ses pieds, qui amollit et retarde ses pas. Un mouvement au ralenti freiné par l'eau, comme un rêve ou on voudrait courir et nos jambes ne nous repondent pas.

Il s’arrete un moment au niveau du ventre, pour s’habituer a la fraicheur.

Puis il plonge tout entier, tete la premiere, et nage tout droit vers la bouee jaune, au large, la ou les bateaux a moteur s’amarrent le soir. Il veut l’atteindre, cette bouée, question d’honneur, depuis 20 ans il nage jusqu'à la bouée, tous les étés, depuis qu’il s’est acheté cette petite maison au bord de la plage pour sa retraite, grace aux maigres economies d’une vie entiere vouée au travail. Les mouvement larges de brasse sont agreables, l’eau devient velours sous ses doigts, et son corps enfin depourvu de pesanteur lui transmet une sensation de bien etre qu’il n'a pas connu depuis longtemps sur la terre ferme.

La bouee se rapproche. Encore un effort, et il pourra s’y arrimer un moment, en reprenant son souffle pour le retour. Il se renverse et nage sur le dos, pour moins se fatiguer.

Alors il voit le ciel flotter sur l’eau, il realise qu’il flotte lui-même sur la ligne d’horizon, il pourrait aussi bien appartenir au ciel qu’a l’ocean. S’il expulse l’air de ses poumons, il appartient a l’eau, s’il inspire a fond, il appartient au ciel, comme si on lui demandait de choisir son camp. Flotter, couler, flotter, couler, un simple mouvement de diaphragme, il se dit que la vie tient a peu de choses, parfois. La bouee est encore loin. Choisis ton camp. L’eau est douce, tiède, accueillante, peut etre est elle plus prometteuse que l’air, apres tout.

L’air il connaît, il y a passé sa vie.

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