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La vie est drôle...*

La vie est drôle...*
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La vie est drôle...*
29 avril 2008

Une journée comme les autres

Je suis couché sur le canapé. La fenêtre est ouverte, je sens l’air du dehors. Le store laisse passer les rayons du soleil qui rechauffent ma peau. Je m’ennuie. A quelle heure va-t'elle rentrer ?

Je bondis du canapé et sort un peu sur la terrasse. Plein soleil. La voisine etend le linge, elle a lavé les draps et je sens l’odeur de lessive. C’est agreable. Elle a deux chiens. Un gros labrador noir et un caniche. Je n’aime pas ce caniche. Il aboie trop. Tout le temps, du matin au soir, et particulièrement quand je sors sur la terrasse prendre l’air. Parfois, il s’assoie, regarde en l’air et remue la queue quand il voit la voisine sur le balcon d’à côté. Mais à moi, il m’aboie. Toujours.

La plante sur le balcon est sèche, completement sèche. ...Elle aurait pu l’arroser. Maintenant c’est trop tard, elle est morte et les feuilles s’agitent et crissent dans le vent. Quand elle en aura marre elle la jettera.

Peut etre qu’elle fera pareil avec moi. Elle jette toujours ce qui l’encombre.

Le ciel est bleu, très bleu, je le vois par-dessus les immeubles. Si seulement je pouvais sortir.

Quelquefois l’après-midi, pendant ma sieste, je reve que je m’enfuis, la porte est restée ouverte alors je descends prudemment l’escalier et j’arrive dans la rue. Je marche lentement d’abord, je sens le goudron chaud sous mes pieds nus, puis l’herbe fraiche, alors je sens mon cœur battre plus fort et je cours, et plus je cours et plus j’ai envie de courir. Je suis déjà très loin quand j’arrive a m’arrêter, hors d’haleine. Au milieu de nulle part. Aucun bruit, aucun bâtiment, rien. Alors je me sens perdu, angoissé, je voudrais rentrer chez moi mais je ne retrouve plus le chemin. Je me demande ou je vais dormir, ce que je vais manger, tout me parait hostile, j’appelle au secours et personne ne répond. Rien, le silence et la nuit. Je me cache dans un trou, je me fais tout petit, je me roule en boule et j’attends sans respirer. Alors, à chaque fois, une main, une main géante, s’introduit dans le trou et vient me sortir de ma cachette. J’essaie de crier, mais je ne peux pas, aucun son ne sort de ma bouche. Je voudrais me débattre, mais je suis comme paralysé.

Et je me reveille en sursaut. Toujours sur ce canapé rouge en velours.

Le soleil commence à baisser, c’est bientôt l’heure du diner, je m’étire paresseusement et je rentre a l’interieur du salon. Je n’ai pas vraiment faim, c’est juste que l’ennui et l’enfermement ont contribué jour apres jour à me faire entrer dans cette routine de manger, boire et dormir. A peu pres aux mêmes heures, tous les jours. Sauf quand un évènement vient changer un peu le cours des choses, ce qui, honnêtement, n’arrive pas souvent. La sonnette, un coup de fil….jamais de grandes perturbations dans cet emploi du temps trop vide.

Manger, boire, dormir. Canapé rouge. Je repense a mon enfance, ma mère qui s’occupait de nous, sa chaleur, ses seins, sa protection. J’etais bien. Mes frères aussi. On était une famille. Le ciel bleu, le gazon.

Puis vient cette main. Cette main géante qui me prend et me serre, m’arrache à ma cachette. Au revoir maman, au revoir mes frères, chers tous, je m’en vais dans cette voiture. Ce bruit, cet eternel bruit de voitures, qui m’entoure depuis ce jour-la. Toujours ces moteurs, ces batiments, cette odeur d’asphalte.

Le clic de la porte, elle arrive. Enfin. Peut etre qu’aujourd’hui elle me laissera m’asseoir un moment tout contre elle et lui dire que je l’aime, que je ne veux plus qu’elle parte, que j’ai besoin d’elle, que je me sens seul, que j’ai peur qu’elle m’abandonne.

Elle est belle. Elle me prend dans ses bras. Elle sent bon. J’aime ses caresses dans mon dos.


Puis elle me repose au sol et prononce ces eternelles paroles : « allons, ne reste pas dans mes jambes, minet ! ».

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29 avril 2008

odeurs

En voyant quelquefois un aveugle dans la rue déambuler avec sa canne blanche, je me demande lequel de mes cinq sens est le plus indispensable.  La vue ou le toucher sont certainements les plus vitaux. L’ouïe, le gout….difficile de m’imaginer vivre sans entendre la voix de mes amis, de mes sœurs, sans entendre le chant des oiseaux, le bruit des vagues, et meme le tumulte de la rue un Lundi matin, tout autant que de ne plus jamais ressentir sur ma langue le sucré d’un bonbon ou le salé d’un baiser.

Pourtant, si je devais profiter une dernière fois d’un sens, exclusivement, s’il me restait seulement 5 ou 10 minutes de vie, ce serait certainement l’odorat que je choisirais.

L’odeur du pain chaud. Les croissants. La route mouillée en été. La mer. Un nuage de parfum laissé dans la rue. Une voiture neuve. Le gazon réchauffé par le soleil. Le melon coupé en deux. Le feu dans la cheminée en hiver. Le pelage du chat. La peau d’un bébé. Le linge étendu. La salle de bain apres la douche.

L’odeur est à elle seule un souvenir entier. L’odeur nous projette dans un instant, elle rappelle tous les sens a la fois, comme un flash sensoriel, une photo instantanée ou notre cœur cesse de battre l’espace d’un clic, elle ouvre les vannes du souvenir, on glisse sur un toboggan dans un vertige de sensations, en chute libre vers le passé, pour enfin arriver sur l’Instant, le revivre l’espace d’une seconde, se remplir les poumons de souvenir puis soupirer de nostalgie.

L’odeur est là, mais l’instant, lui, est bel et bien passé.

La dernière fois que j’ai vécu cette secousse emotionnelle, c’etait lors d’un diner chez un ami. Comme très peu de gens le font encore aujourd’hui, il achète son café en grains et le moud lui-même. J’ai proposé de l’aider, et quand j’ai ouvert le couvercle du moulin, un torrent de sensations est passé dans mes veines, pour arriver jusqu'à mon cœur, le soulever, puis le laisser retomber lourdement. Je suis chez ma grand-mère, j’ai des  feutres a la main, je dessine une tête en formant les chiffres  6, 4, 2, l’un en dessous de l’autre pour faire un œil, un nez et une bouche de profil. Je dessine ma série de 6, 4, 2, puis je continue un peu plus loin en bleu, puis en rose. 6, 4, 2. J’ai du papier, j’ai de la place. 6, 4, 2. C’est l’été, le soleil passe à travers les volets entrouverts. La chaise craque quand je replie une jambe sous mes fesses. La nappe en plastique colle un peu à mes coudes. J’entends les pas de mémé sur le plancher, elle traine des pieds avec ses pantoufles. La porte du placard qui grince, le bruit du moulin, le clapotis de la cafetière et des dernieres gouttes qu’elle crache. Mémé s’asseoit a côté de moi et elle me donne un demi verre de café avec du lait concentré sucré. Un petit verre qui tient parfaitement dans mes petites mains.

En se regardant, comme ça, sans rien dire, on prend le café.

10 octobre 2007

La vie est drôle...

mercredi 10 octobre 2007 : elle s'assoit à sa table et écrit :

« La vie est drôle, disait mémé. C’etait une grande philosophe, en avance sur son temps.

Cette année est bien dans la lignée de sa pensée. Pleine de surprises, de hauts et de bas, de "drôleries", oui.

Depuis Janvier si je retrace le panel, c’est une vraie ligne d’electrocardiogramme. Ou une chansonnette : En Janvier, j’aurais pu me tuer. En Fevrier, j’aurais pu sauter. En Mars j’aurais pu tomber. En Avril ma vie tenait a un fil. En Mai j’ai fait ce que je voulais. En Juin j’ai enfin vu la fin. En Juillet ça a été. Août a valu le coup, Septembre n’a pas été tendre, Octobre a l’air encore plus retord, Novembre peut encore surprendre, et Décembre, je me demande ce que je peux en attendre. Lalala...

Bref, je suis toujours partagée entre deux pensées : celle qui dit que cette vie est une vraie merde, une torture, une grande blague pas drôle, mais pas drôle du tout, et celle qui dit que tout est bon a prendre et a apprendre, chaque experience est nouvelle et apporte de la sagesse, et a quoi sert la vie si ce n’est a nous rendre plus sages, pour pouvoir bassiner nos petits enfants avec des conseils qu’ils n’ecouteront pas, et qui leur manqueront quand on sera morts. Mieux vaut vivre des choses, vivre des experiences, puisqu’au pire, a la fin on mourra. La fin on la connaît, autant essayer de faire l’histoire plus longue.

La vie est drôle, qu’elle disait, mémé, et je l’ecoutais d’une oreille distraite en mangeant ma tartine de beurre avec une bille de chocolat en regardant Pascal Sevran a la télé, je me disais que je voyais pas trop ce qu’elle avait de drole, cette vie, entre les heures de cours, les devoirs à faire, le cartable trop lourd et les moqueries des autres a l’ecole. J’aurais du penser que ce qui etait drôle, c’est que justement, ça changerait pas beaucoup. Ironie de la vie, on se dit que quand on sera grand tout sera different, on fera ce qu’on voudra, sans les parents pour nous commander, et finalement les choses restent les memes, les parents sont remplacés aux commandes par ton chef, les redoublants qui se moquaient de toi en cours de gym deviennent tes collegues, tes heures de cours interminables deviennent encore plus interminables au travail, sauf que tu es payé pour t’emmerder. Ton cartable n’est plus aussi lourd, mais pesant de responsabilités, tu remplaces le chocolat et les tartines au goûter par un café bien fort, et ta mémé n’est plus la pour te donner des conseils, alors que tu en aurais bien besoin. La vie d’enfant n’etait en fait qu’une vie d’adulte déguisée, un apprentissage, un conditionnement à s’emmerder, à obéir, à subir, alors qu’on pensait toujours qu’une fois majeurs et vaccinés tout ça finirait. Desillusion…

Tu avais bien raison, Mémé, la vie est drôle.»

19 novembre 2006

Portrait de famille

La nuit derniere j’ai fait un drole de reve. J’ai revu toute la famille, les uns apres les autres, visage apres visage, depuis la dent argentee de pépé jusqu'aux fossettes de Janine, en passant par le sourire de Mémé, je les ai tous revus en detail, comme si je revenais 15 ans en arriere, avant que tout parte en morceaux.

Comme une caméra mobile, je passais au ras de leur visage, j’aurais pu toucher leurs cheveux, j’avais l’impression d’y être mais eux ne me voyaient pas, je pouvais presque sentir l’odeur fleurie de Janine, ou l’après rasage de Pépé. J’ai revu ses cheveux blancs cotonneux, j’ai revu son grain de beauté en relief sur sa joue, qui pendant des années a été une enigme (qu’y a-t’il à l’interieur ?), sa chemise à carreaux et son pantalon à bretelles qui lui montait jusque sous les bras, ses petits yeux bleus plus brillants que deux billes, ses pas traînants dans ses pantoufles bleu marine. J’ai vu Janine, elle riait en secouant un peu les épaules et les frisottis de ses cheveux, je crois qu’elle racontait une histoire de l’ècole, une de ces histoires naïves qui animaient ses journées et la rendaient toujours gaie. Ce sourire du bonheur, avec un petit espace entre les dents.

Ca sentait bon le café moulu, je pouvais encore entendre le bruit du vieux moulin Moulinex de Mémé à la cuisine, plus fort qu’une sirene de pompiers. Rien n’avait bougé dans la cuisine, le lino un peu gras, la plaque de contreplaqué recouverte d’adhésif imitation bois pour couvrir la machine à laver, les petits compartiments en plastique qui gardaient secretement les biscuits du chien, et la cafetière, qui produisait goutte à goutte un nectar inimitable et jamais égalé : le Café de Ma Grand Mere. L’odeur du café, l’odeur des bons moments, tout etait enveloppé dans cette odeur, une odeur peut résumer des années de bons moments. J’ai vu la peau ridée de mémé, cette peau tellement douce qu’on aurait voulu lui faire cinq bises au lieu de trois. J’ai revu le fauteuil rose, bleu, vert et blanc, il me semblait voir les bouloches du tissu. J’ai revu le radiateur sous la fenetre, sur lequel on s’asseyait en hiver quand il faisait froid. J’ai revu le buffet, je savais encore exactement la place de chaque chose, le pain en haut a gauche, les papiers en haut a droite, l’argent de la banque au  milieu dans une enveloppe, les couverts dans le tiroir de gauche, la vaisselle en bas, et le fameux tiroir de droite, ou s’entassaient les divers elements de recuperation de mémé : les rubans qui attachaient les brioches de chez Francez, les elastiques, les barrettes pour les cheveux, les stylos, les feutres, les etuis a lunettes et les cles de portes qu’on n’ouvrira plus jamais.

J’ai entendu le bruit que faisaient nos trois coups frappés sur la porte avant de rentrer, toujours le meme rythme, frapper, et entrer directement. La poignée de la porte, je l’ai vue aussi, ronde et doree. Le bruit des pas sur le lino, les chaises avec les galettes usées d’où sortait un peu de mousse orange, la nappe a carreaux toujours un peu collante, le tabouret avec l’aquarium dessus, ou se décoloraient d’ennui les pauvres poissons gagnés a la kermesse, la télé recouverte de cadres photos, la pile de journaux sur le radiateur et les plantes vertes toujours fleuries.

J’ai tout revu. J’y etais. Reellement, je crois que j’y etais. Tout etait comme un jeu video, je pouvais me tourner a 360 degres, je pouvais zoomer, il me suffisait de penser a un detail que j’aimerais  revoir et je pouvais m’approcher, le regarder de pres, presque le toucher. Je sentais les odeurs, j’en avais presque le gout dans la gorge, je pouvais sentir chaque chose, et chaque personne. J’aurais jamais imaginé avoir encore tout ca en memoire, tout est revenu d’un coup, comme un barrage ou on ouvre les vannes, un flot d’informations, un festival de sens, vue, odeur, toucher. Seules les voix etaient absentes. Je n’ai pas reussi a entendre les voix. Pourtant, j’ai essayé, je me suis approchée, mais aucun son ne sortait des bouches, comme un cinema muet. Peut etre que c’est mieux comme ça, sinon c’aurait ete encore plus dur de les quitter.

Je me suis reveillée et j’ai pleuré, peut etre que j’avais déjà commencé à pleurer pendant mon rêve. J’ai repensé a ces dimanches après midi, ou on se retrouvait tous, autour d’une fouace, une brioche ou un gateau au yahourt, ou meme un paquet de Speculoos de pépé, qu’il allait sortir de leur cachette au dessus de l’armoire pour l’occasion. Quand j’y etais, j’aurais jamais pensé que ça resterait les meilleurs souvenirs de mon enfance.

Le temps d’une nuit je les ai retrouvés, tous, eux qui m’etaient chers et qui sont partis trop tôt.

26 septembre 2006

un reve

Papa est malade. Ca se voit pas, mais je le sais.

Ma soeur Carine est dans un cinéma. Papa est avec elle. Moi aussi, je crois que je suis avec eux. Je sais pas si j'y suis, ou si je les vois simplement, comme a travers une vitre. On mange du pop corn. On voit pas le pop corn, mais on a tous des gobelets en carton enormes, je suppose que c'est du pop corn.

Papa sourit, il nous regarde. Il a l'air gentil. Il a les yeux brillants, et ça contraste avec la pâleur de son visage. Il nous regarde avec des yeux pleins de tendresse, comme jamais il nous a regardé dans la vraie vie. Il nous aime beaucoup, toutes les deux.

Carine lui dit des méchancetés, qu'il est vieux, qu'elle l'aime pas, qu'il peut bien crever. On sort sur le parking, le film est fini. Il fait nuit. Je vois Papa se déplacer entre les voitures. Il a l'air vieux, il marche lentement, et on croirait qu'il va tomber à chaque pas. Carine est a cote et elle l'insulte. Je la vois et j'entends pas les mots, je vois juste qu'elle lui crie dans les oreilles, de très près, elle est menaçante, elle pourrait presque le frapper.Lui me regarde, et avec les yeux il me dit que je me fasse pas de souci, que c'est pas grave, qu'après tout on est habitués, non? Tout va bien se passer, elle se calmera, comme d'habitude, il faut rien lui dire, ça la ferait juste crier encore plus fort, et on veut pas qu'elle crie.

Je sais pas ou est la voiture, je sais pas qu'est ce qu'on fait dans ce parking, je sais juste que plus que jamais j'adore mon père, et qu'il est malade. Tout à coup je le vois dans un lit d'hôpital, tout est vert autour de lui, un halo de lumière verte, il est allongé dans le lit, avec son air gentil et ses yeux brillants. Il me regarde, mais maintenant avec un regard plus fixe, resigné, qui dit "tout ira bien, mais sans moi, je m'en vais, moi, maintenant. T'en fais pas, je pars tranquille, tu sais?..

Un regard plein d'amour et c'est le dernier, je sais qu'il ne ressortira jamais de la salle verte, parce qu'ils ont arrêté son coeur.

Maintenant je peux dire a Carine ce que je pense, maintenant j'ai plus peur qu'il arrive quelquechose a mon père, il ne peut rien lui arriver de pire. Je l'ai en face de moi et je lui dis de tout, que toute sa vie elle l'a passée a nous pourrir la nôtre, que tout aurait pu être beau, on aurait pu être heureux si elle avait pas été là pour nous enlever chaque moment de bonheur avec son mauvais caractère et ses caprices. Elle se met a pleurer mais je me demonterai pas, je lui dis qu'elle fasse ce qu'elle veut, maintenant, mais que c'est elle qui a tué Papa, et que si elle veut le suivre, qu'elle le suive, je vais plus me taire devant ses chantages, qu'elle se tue si elle veut, ça m'est égal, mon père est mort et c'est la seule chose qui puisse me faire souffrir, ma vie s'est arrêtee avec la sienne. Tout m'est égal. Je m'en vais et je vois les lumières vertes derrière moi, elles s'eloignent, elles me laissent dans le noir et je me sens incroyablement triste. Je pleure pas, je me sens trop triste pour pleurer, j'ai trop mal, une douleur affreuse que j'avais jamais ressentie.

Tout à coup j'arrive dans un batiment tres vieux, il y a de tout sur le sol, tout est detruit, on croirait qu'il y a eu un tremblement de terre. J'entre dans une sorte de garage, il y a des poutres et des choses en metal sur le sol. Il y a un etage, j'y accede par un escalier. Soudain le sol se met a trembler, tout se met a secouer, je ne sais plus ou est le sol, ou est le plafond, tout est en train de tomber autour de moi, je me refugie sous une table en bois, je pleure et j'entends des cris dans tout le batiment. Pourtant je n'avais vu personne, mais je suppose qu'il y avait des gens qui vivaient la, il y a des couvertures sales sur le sol et ca sent le rat.

Quand enfin le sol cesse de trembler, je me leve et je cherche la sortie du premier etage ou j'etais restée. On dirait une mezzanine, je vois une rembarde en fer, et en bas le sol du garage, plein de poussiere et de cadavres.

Au moment ou j'ouvre la porte qui dit "sortie" en lettres rouges, je vois une foule de gens. On dirait qu'ils sont tous ivres, ou malades, ils sont tous pliés en deux, ils se tiennent le ventre comme s'ils allaient vomir. Ils ont l'air tres malades, il y a une epidemie de quelquechose, je me rends compte que le sol est plein de matière orange et visqueuse, quelquechose de collant, entre glaire et vomis. Ceux qui crachent cette substance tombent les uns apres les autres, comme si c'etait leur dernier souffle de vie qu'ils venaient d'expulser.

Le sol est glissant d'autant de matiere, les gens se croisent, pliés en deux, je me dis que je dois absolument sortir de là, sinon je vais attraper quelquechose, avec autant de malades, je pourrais presque palper les microbes dans l'air. Ca me degoute. Je m'en vais avec une couverture sur les epaules, j'ai du mal a marcher, je me sens mal, et j'ai une drole de sensation dans la bouche. Quelquechose me gêne dans la gorge, je voudrais cracher, mais ca me degoute, de cracher, c'est une chose que je ne fais jamais et je deteste ceux qui le font, non, je peux pas cracher, vraiment. Mais je peux pas avaler non plus, non. Avec ma langue je tâte la pate qui se forme dans ma bouche, j'en fais une boule mais non, je peux vraiment pas avaler ça. Alors je crache. Je me sens mieux. J'ai la bouche et la gorge libres, maintenant, ça va aller.

La seconde d'après je regarde le sol et je vois que je viens de cracher une chose orange et visqueuse.

Et je me reveille.

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21 mars 2006

una novela

-         Vas y depeche toi!

-         J’arrive! P’tain merde, je me suis tordu la cheville ! ca glisse bordel !

Il a plu sur les trottoirs de Barcelone, mes talons derapent sur le pavé humide.

-         y’a un taxi, vas y choppe-le !

-         woh, taxi !

Nous grimpons dans le taxi jaune et noir. Il est 0h30. Amel se marre, on a eu du bol, y’a pas beaucoup de taxis a cette heure. Le chauffeur ecoute Bob Sinclar, a fond, on suit le rythme en dodelinant de la tete. Ce soir nous allons au Catwalk, juste entre les deux tours, pres de la plage. La musique est sympa la bas, et comme dit Amel, « y’a du biotifoul pipol et les mecs sont pas trop lourds ».

-         Nos puede dejar aqui, gracias.

-         Buenas noches!

On descend du taxi, la queue devant le Catwalk est immense, heureusement on est sur la liste VIP. Amel maintient des relations assez bonnes avec le RP, elle lui offre un bisou de ses levres lippues de temps a autres, juste de quoi lui laisser un peu d’espoir, et ça nous assure l’entree gratuite toutes les semaines.

-         Hola, estoy en la lista de Nico, soy Amelie…

-         Vale, podeis pasar.

Nous rentrons, le sourcil levé et la demarche chaloupée, triomphantes d’avoir grillé une queue de 50 personnes.

Un arret au vestiaire, le temps de poser nos manteaux, et nous voici escaladant le long escalier qui monte a la salle disco. Le volume de la musique augmente au fil des marches. Arrivees en haut c’est l’entree  remarquée d’Amel, je comprendrai jamais ce qu’elle degage pour que la moitié d’une piste de danse se retourne sur elle quand elle passe. Comme une aura, un appel au sexe et a la luxure, des pheromones actives, ou quelquechose comme ça. Elle devant, moi derriere(tous derriere et elle devant), on traverse la piste en commençant a reperer les beaux mecs. Pas grand-chose, je notee qu’ils sont tous petits et moches, ce soir, et je lui fais part de ma remarque :

-         Eh, y’a eu un lacher de nains, ce soir, non ?...on m’avait pas prevenue !

-         Ha ha, ouais, ils sont trop laids, attends, r’garde l’aut’ naz, la bas, t’as vu, il a mis sa p’tite ceinture blanche, avec sa chemise noire ouverte jusqu'au nombril, la honte, eh….

Amel aime a se moquer. Tout le monde en prendra pour son grade, ce soir, et particulièrement ceux qui ont la chemise ouverte jusqu’au nombril, je crois qu’elle pourrait les frapper jusqu'à la mort du bout de ses talons hauts, elle les aime pas.

On monte à l’etage, salle hip hop. C’est là qu’Amel degage tout son pouvoir de séduction. Melange de sang Marocain, Grec, Turc et espagnol, elle a le rythme dans la peau et bouge son corps d’une façon sensuelle et suggestive. Ses ondulations lui valent l'admiration de la gent masculine, et la haine de tout le genre feminin. A part moi, qui reste plutot fair play devant son succes. Je la regarde danser, je trouve ça joli, et puis je m’amuse a faire des analyses psychologiques des gens autour, j’apprecie le comique de situation que provoquent l’envie et la jalousie des unes, et la drague maladroite des autres.

De temps en temps un grand black tente une approche, trois fois il vient se planter devant Amel en tortillant des fesses, trois fois il est repoussé d’un haussement de sourcils. Finalement il vient danser avec moi, me secoue ses epaules et ses pecs sous le nez (il est tres grand) mais comme je considere assez peu flatteur le fait d’être Number Two, moi aussi je le snobe. Souvent je dis a Amel que si je l’avais connue plus tot, elle aurait pu etre un bon « rabatteur » , elle aurait attiré les mecs et j’aurais joué les back up pour tous ceux qu’elle aurait rejeté, mais aujourd’hui c’est trop tard, ma consommation en hommes est plus selective, je cherche plutot l’homme cerebral, futur pere de mes enfants, responsable et brillant dans son travail, seduisant et drole a la fois...

-         T’as vu le mec la bas, il a un beau cul, non ?

De toute evidence, les objectifs d’Amel sont tres differents des miens.

Perdue dans mes pensées entre Jennifer Lopez et Justin Timberlake en fond sonore, je me surprends a penser que j’ai peut etre vieilli, apres tout. Suis-je a  ma place ? Ces gens qui se dandinent a cote de moi me paraissent empruntés, comme sortis d’un clip de MTV, les filles remuent leurs fesses frenetiquement, les mecs les regardent comme s’ils etaient devant l’etal du boucher. Tout est artificiel, avoir l’air branché, fun, cool, mais au fond on sent un grand manque de confiance en soi, tous se ressemblent, ils sont sapes pareil, plus on prône l’originalite plus on s’uniformise, c’est assez etrange, au fond. Je me souviens des soirees de quand j’avais 17 ans, tout le monde souriait, on s’attrapait par les epaules et on dansait tous ensemble, on sentait un esprit de groupe, un esprit de fete, une communion, une envie d’aller vers les autres….Tout d’un coup j’ai un coup de blues, je me sens pas a ma place. J’ai besoin d’un verre.

Trois whisky cocas plus tard je disserte philosophie avec quatre amis italiens rencontrés au bar. C’est fou comme l’alcool delie les langues, en temps normal j’aurais surement rien a dire a ces mecs, et la, on dirait que je les connais depuis toujours. Ils sont de Turin, c’est joli, Turin, il parait. Je sympathise avec le plus vieux d’entre eux, il a un visage a la Robbie Williams et un sourire a la David Beckam, le genre qui sent le méchant mais avec un visage angelique. Et en plus il est grand. Il me dit qu’il est ingenieur en Informatique(bof, pas tres sexy), et qu’il vit depuis deux ans a Barcelone dans un appartement de 120 m2 a Gracia(ça c’est plus sexy). Seul ? Oui, seul. Interessant. Pendant que j’approfondis l’affaire Robbie Beckham, Amel arrive en sueur, suivie d’une ombre informe en survet et casquette.

-         Regarde qui j’ai trouvé !!! dit-elle, l’œil brillant et le sourire radieux.

-         C’est qui ?

-         C’est Mick, tu sais, on l’avait rencontré sur la plage, il m’avait donné son numero.

-         Ah, le Dj?

-         Ouiiii, c’est lui !!! t’as vu comme il tue ? il est trop beau, ce mec, je l’adore !!!

Je claque deux bises a Mick, pendant que lui me plaque ses deux grosses mains sur le bas des hanches, un signe d’affection propre aux DJ et aux designers que frequente Amel, le genre « proximité du corps, proximité de l’esprit, on est tous faits pareils, on est pas des bourges, on peut etablir un contact corporel sans le moindre sous-entendu… ». Je deteste ces mecs.

-         t’es avec lui, t’as conclu ?

-         non, on a juste dansé ensemble, il bouge bien, j’aime bien.

-         Ah ouais. Chais pas, moi les mecs à casquettes, tu sais….je suis pas fan.

-         C’est qui ces mecs ?

J’avais oublié mes italiens. Tous regardent Amel de la tete aux pieds, laissez le charme agir.

-         c’est des mecs de Turin. Le grand il me plait, en plus il habite ici.

-         Ah ouais, c’est cool.

Je la presente et me dis que par chance, le grand Robbie a une chemise ouverte, meme pas en rêve il pourrait plaire a Amel. Sauvée.

   

-         qu’est ce que tu fais, tu restes la, ou tu rentres ? moi je crois que je vais rentrer. Elle me fait un clin d’œil en regardant le gangster a casquette.

-         OK, moi je vais rester avec les Luigi, ils sont sympas.

-         Bon, on se fait un debrief demain ! Bonne nuit !

-         Bonne nuit, et pas de betises !!

-         Tu me connais ! dit elle, et elle se retourne avec un sourire en coin.

Je reste accoudee un moment au bar a discuter avec mes compagnons de beuverie, puis ils commencent a parler d’aller en after, moi je pense plutot a rentrer. Le grand veut rentrer lui aussi, il me dit qu’il peut m’accompagner au metro, alors allons-y.

Arrivés au metro on continue a discuter, ce mec est vraiment sympa, il me dit qu’il est tard(ou trop tôt) et que le metro n’est pas tres sûr a cette heure-la, je peux aller dormir chez lui et repartir demain matin, sans aucun probleme, sans le moindre sous-entendu, je peux lui faire confiance, c’est un mec sérieux, bla bla bla….et l’alcool aidant, j’accepte d’aller dormir chez lui.

Il habite pres de la plaza del sol, et son appart est somptueux. Je me dis qu’il doit etre entretenu par papa et maman, c’est pas un salaire d’ingenieur qui peut lui payer un tel luxe. Impossible. Il y a vraiment des gens pour qui la vie a ete et sera facile, ils ont ete eleves dans le coton, ca se sent dans leur securité, dans leur facon de bouger, et paradoxalement c’est pas eux les plus pretentieux et les plus meprisants. Ils sont justes riches et ne ressentent pas le besoin de s'en vanter, ni de s'en excuser.

Assise dans le canapé blanc de son salon, il interrompt mes pensees avec une coupe de champagne. Il s’est mis a l’aise, a quitté ses chaussures pour rester en chaussettes qui glissent un peu sur le parquet. Il a mis un CD de musique douce que je soupçonne être l’habituel de ses soirées d’amour, je me croirais dans Dynastie ou les feux de l’amour. C’est un peu ridicule, et agreable, pourtant, de se sentir l'heoïne d'un feuilleton a l'eau de rose. Pour un peu le fou rire me gagnerait en imaginant la scene de l’exterieur. Ca m’arrive assez souvent, de me sentir imposteur dans une situation, tout ce qui est trop parfait me fait me dire que je suis en train de rever la scene, que ca n’est pas en train de se passer, et quand je realise que si, que c’est bien moi, j’ai envie de rire, comme si je regardais un film comique ou l’acteur ne se sent pas a l’aise, pas a sa place, un peu gaffeur. Je me sens un peu Pierre Richard, souvent.    

Puis il s’asseoit a coté de moi, en tailleur, sur les coussins. Il se rapproche de plus en plus en me parlant. Quand il m’embrasse, tout mon corps commence a bruler, j’ai un frisson de la tete aux pieds, une seule caresse de sa main sur mon dos fait disparaître tout le mal etre d’avant et je commence a vraiment vivre l’instant, j’y suis, et je le vis, c’est moi qui fais. C’est moi. Ici. Je caresse ses cheveux, ils sont doux, et son oreille est froide sous la paume de ma main. Il embrasse mon cou, mon decollete, degrafe mon soutien gorge en un clic, et passe ses mains sur tout mon dos. Je leve les bras et il m’enleve mon tshirt. Je lui enleve le sien et ma peau rencontre enfin la douceur de la sienne. Il sent bon, surtout sur le torse, je respire sa peau en embrassant ses pectoraux, doucement, du bout des lèvres pour le chatouiller. Ses mains sont osseuses, je les regarde quand il les pose sur mon ventre, elles sont longues et fines, delicates. Je les trouve belles, et la facon qu’il a d’embrasser, de caresser, et de toucher aussi. J’aime me sentir desiree, mais doucement, je prefere qu’on me deguste, pas qu’on me devore. Lui, il deguste, goute, savoure. Une vraie nuit d’amour, ou on a tout le temps du monde, on se decouvre, on se donne, puis on s’endort serein dans les bras de l’autre.

Le lendemain matin, tout a changé. Tout le glamour s'est evaporé, Dans Dynastie on voit jamais les lendemains de fête. J’ouvre les yeux et sens sa respiration derriere moi, sur mon epaule. Comment je vais pouvoir me degager sans le reveiller ? j’ai mal a la tete, et je veux aller faire pipi. Ou sont les toilettes ? je me souviens plus. Quelle heure il peut etre ? ou est mon telephone ? ou sont mes fringues ? je rassemble tout le deroulement de la nuit dans ma tete et le remets dans l’ordre. Mes fringues sont au salon, a cote du canapé. Mon telephone est dans mon sac, sur la chaise de l’entree. Bien. Maintenant, les toilettes. Je bouge legerement, et reussis a degager mon epaule de sous son bras. Je roule en silence sur le bord du lit et me leve enfin, sans bruit. Mes pieds nus ne font pas de bruit sur le parquet, j’ouvre la porte de la chambre et arpente le long couloir a la recherche des toilettes, que je trouve comme toujours au fond a gauche, comme le veut la regle universelle en architecture.

J’ai toujours adoré observer les produits de beauté des hommes : shampooing anti chute, creme anti rides, after shave peau sensible, pince a epiler ou bain moussant, un festival de petits secrets rangés sur une etagere. Je me regarde dans le miroir, et je suis pas trop deçue, je pensais que ce serait pire. Mes levres sont rouges et charnues, mes pommettes sont roses, souvent une nuit d’amour vaut mieux que des années de creme anti rides, ce serait un bon sloggan de pub pour Durex, mais on y pensera plus tard. Un peu de mascara a coulé sous mes yeux, je l’essuie du bout de l’index. Je prends une douche rapide, puis après une brève hésitation, je mets un peu de « Mennen Fraicheur Océan » sous les bras. Je vais dans l'entrée chercher ma brosse a dents de voyage dans mon sac, et après quelques minutes, en me regardant dans la glace, l’air satisfait, je savoure l’instant de bonheur indescriptible qu’est celui de passer sa langue sur des dents lisses et propres apres 30 heures sans brossage.

Je retrouve mes fringues au salon, m’habille rapidement, puis je repars vers la chambre pour voir si Sleeping Beauty s’est reveillé.  Les dents brossées et le corps rhabillé, je me sens un peu plus sure de moi face a un homme qui dort encore, et je me sens enfin capable de le reveiller. Je pose un bisou câlin sur la seule partie de son visage qui n’est pas ecrasée sur l’oreiller. Rien. Je lui en pose un autre sur l’epaule, un peu plus bruyant. Rien. Je caresse son dos, et le souvenir de la nuit me revient avec la douceur et la chaleur de sa peau. Je pourrais facilement tomber amoureuse de ce mec, il vaut mieux que je parte. Courage, fuyons. Au moment ou je me relève, il se retourne et commence a ouvrir les yeux. Je peux quand meme pas partir comme ça. Je lui dis « salut, bien dormi ? ». Il me regarde, et lui aussi semble se remettre les episodes de la soiree en ordre. Petit instant de malaise, autre complexe de l’imposteur, qu’est ce que je fais la, pourquoi je suis pas partie tant que je pouvais encore le faire, si ça se trouve je lui plais plus, j’ai honte, je voudrais pouvoir me teleporter chez moi, dans mon lit, et dormir. Oublier que tout ça s’est passé, penser que c’est un rêve, fermer la parenthèse, puisqu’aucun element de l’histoire ne touche directement ma vie. Une bulle hermétique, un film qui a eu un debut et une fin, et qui ne se regarde qu’une fois, comme tous les films a l’eau de rose. Et puis il sourit, et m’ouvre grand ses bras pour que je vienne le rejoindre.  « ciao, bella ». J’ai pas la force de refuser l’invitation. Je me retrouve une fois de plus contre lui, et je sais plus quelle heure il est ni ce que je voulais faire aujourd’hui, je suis juste bien et je voudrais que le temps s’arrête. Je me rendors dans le pelage de son torse.

Le telephone me reveille au milieu d’un rêve ou je suis poursuivie par une meute de lapins armés, je trébuche et les vois s’approcher avec des airs menaçants, ils me regardent dans leurs viseurs, et j’entends le tip tip tip de mon portable, qui se substitue a la sirene de police que j’entendais dans mon rêve, je sursaute et extirpe le telephone de mon sac resté au bord du lit.

« ben alors, tu fais quoi, on devait pas aller patiner ? »

Amel. Patiner. A 16 heures a la plage. J’avais oublié.

« mais quelle heure il est, on avait pas dit a 4h ? »

« ouais, il est 4h1/2, je suis a Barceloneta, je t’attends… T’es ou, kess tu fous ? »

« hem…. » j’hesite avant de repondre, je connais la horde de questions que peut provoquer un « je suis pas chez moi ». Je rassemble mes idees pour choisir la solution la plus rapide et la plus simple.

« j’arrive dans ½ heure, ok ? a tout a l’heure, desolee, hein, je t’expliquerai»

Je fais une bise chaste a mon ami et lui explique que je dois partir. Il me donne son nº et je promets de l’appeler.

Je prends mes affaires et cours vers la porte. Il faut que je repasse chez moi pour prendre mes patins avant d’aller a la plage.

A barceloneta, Amel s’est installée sur la rembarde du metro. Un peu penchée en arriere en starlette pour capter tous les rayons du soleil, elle me regarde arriver en souriant.

« alors ? » dit-elle, un sourcil relevé d’un air suspicieux.

« ha ha….ben alors j’ai pas vu le temps passer… », je lui reponds d’un air malicieux.

20 mars 2006

le premier bain

Le premier bain du printemps.

Il est sur la plage. Il a etalé sa serviette sur le sable, et l’a lestée avec 4 cailloux, un a chaque coin. Il s’est assis, puis a commencé a se deshabiller.D’abord il a defait ses lacets : il les a desserrés, un pied, puis le deuxieme, il a retiré ses chaussures et les a posées bien à plat sur le bord de la serviette. Puis il a retiré ses chaussettes, et les a roulées en boule pour les enfoncer dans les chaussures. Il a retiré son t-shirt, son pantalon, et les a posés bien pliés sous sa tête.

Allongé en maillot sur sa serviette, les  bras alignés sur les rayures du tissu, la tete bien calée et les yeux fermés, il est bien. A travers ses paupieres fermées, le soleil forme de petits cercles rouges, jaunes, verts, qui s’illuminent et se deplacent. Il filtre les rayons entre ses cils, mais la lumière est trop forte, il plisse les yeux et fronce un peu le nez, ses rides se creusent un peu plus au coin de ses yeux, et se fraient un chemin jusqu'à ses tempes grises. Il deplace un peu son bras et sa main touche le sable chaud. C’est doux, il le laisse glisser entre ses doigts, magie du toucher, le sable chatouille ses paumes, c’est agreable, apaisant, de sentir le poids de la poudre se reduire peu a peu, comme un sablier remplissable a volonté, on peut tricher et revenir en arrière autant de fois qu’on le souhaite. Pas comme dans la vie.

Sa peau chauffe, bientôt il ne fait plus qu’un avec le sable, avec la plage, et de fines gouttes de sueur perlent sur ses tempes, une goutte glisse vers son oreille et le chatouille ; il se lève et va se baigner.

Ses pieds frissonnent en passant du sable chaud et souple de la plage à celui du bord de l’eau, froid et dur.

Il regarde les vaguelettes qui viennent lui caresser les doigts de pieds. Elles le touchent puis s’en vont aussitôt, elles semblent lui dire «  attrape nous si tu peux » .

Il leve les yeux et regarde l’horizon, le bleu de la mer se confond avec le bleu du ciel. Le reel :  palpable, et l’aerien : abstrait. Qui est le reflet de qui ?

Les decoupes de la cote lui rappellent qu’il habite une grande plaque bordee d’eau, une fine couche de terre que le Créateur nous octroie pour survivre. Le niveau pourrait monter, un jour : que  ferait-on ,alors ? Ne nous sentirions nous pas impuissants, nous, brillants inventeurs de la bombe atomique, face a une simple montée des eaux ? Ridicules insectes, luttant pour respirer un peu d’air, noyés dans une goutte d’eau ?

Une vague un peu plus forte le ramene a la réalité de l’instant : se baigner, il allait se baigner.

Il avance progressivement dans l’eau, et sent la douceur du sable tendre sous ses pieds, qui amollit et retarde ses pas. Un mouvement au ralenti freiné par l'eau, comme un rêve ou on voudrait courir et nos jambes ne nous repondent pas.

Il s’arrete un moment au niveau du ventre, pour s’habituer a la fraicheur.

Puis il plonge tout entier, tete la premiere, et nage tout droit vers la bouee jaune, au large, la ou les bateaux a moteur s’amarrent le soir. Il veut l’atteindre, cette bouée, question d’honneur, depuis 20 ans il nage jusqu'à la bouée, tous les étés, depuis qu’il s’est acheté cette petite maison au bord de la plage pour sa retraite, grace aux maigres economies d’une vie entiere vouée au travail. Les mouvement larges de brasse sont agreables, l’eau devient velours sous ses doigts, et son corps enfin depourvu de pesanteur lui transmet une sensation de bien etre qu’il n'a pas connu depuis longtemps sur la terre ferme.

La bouee se rapproche. Encore un effort, et il pourra s’y arrimer un moment, en reprenant son souffle pour le retour. Il se renverse et nage sur le dos, pour moins se fatiguer.

Alors il voit le ciel flotter sur l’eau, il realise qu’il flotte lui-même sur la ligne d’horizon, il pourrait aussi bien appartenir au ciel qu’a l’ocean. S’il expulse l’air de ses poumons, il appartient a l’eau, s’il inspire a fond, il appartient au ciel, comme si on lui demandait de choisir son camp. Flotter, couler, flotter, couler, un simple mouvement de diaphragme, il se dit que la vie tient a peu de choses, parfois. La bouee est encore loin. Choisis ton camp. L’eau est douce, tiède, accueillante, peut etre est elle plus prometteuse que l’air, apres tout.

L’air il connaît, il y a passé sa vie.

14 janvier 2006

horoscopes

"-  Cette année, je me marie.

L’affirmation avait été lâchee sur un ton rieur, mais certain. Presque un pari. Plus qu’un pari, un “chiche”, Chiche que je me marie. T’es pas cap’ de te marier cette année. Ah ouais, chuis pas cap’? c’est c’ qu’on va voir.

Elle lit son Elle magazine, d’une voix claire et journalistique, l’index levé comme elle aime le faire avant de dire quelquechose d’important . « Du changement, de l’amour, vous avez envie de vous etablir et d’oublier le monde rêveur et precaire dans lequel vous vous complaisez depuis trop d’années ». Voilà, mon horoscope est formel, je me marie.

  - Mais avec qui ?

  - Je sais pas, mais tout va aller très vite, apparemment. En Mars, paff, je le rencontre, en Juin je memets en menage, en Septembre je l’epouse, et en Decembre on met un bebe en route. Et comme ça je rejoins mes plans de vie de quand j’avais 12 ans. Pif paf. On arrete les conneries, hop la.

Elle se ressert un verre de vin en souriant, l’air satisfait.

   - Il est bon, ce vin, si t’aimais le vin je t’en servirais, tiens.

   - Non merci je reste au jus de pomme.

   - Merde, j’ai oublié de mettre une feve dans la galette, quelle conne.

   - Boh, c’est pas grave, on avait une chance sur deux d’avoir la couronne, y’avait pas beaucoup de suspense. Et pour moi, t’as regardé, pour mon année ? moi aussi je sais pas pourquoi, je sens qu’il va se passer des trucs.

   - Pour toi il se passe toujours des trucs. Toutes les années c’est ton année, toi. C’est enervant, d’ailleurs.

  - Ouais, mais la, plus, j’ai un pressentiment pour 2006. Comme si… comme si il devait m’arriver un truc important.

  - Attends, je regarde :

« le grand amour, vous savez ce que c’est, vous le rencontrez toutes les semaines ! » haha, ils te connaissent, attends, ils sont derriere toi, les mecs. « mais cette annee, revelation pour vous, il en existe un qui vous donne envie de rester. Sachez le reconnaître et vous connaîtrez le plaisir d’un bon diner aux chandelles, ou simplement d’une pizza et d’un DVD pour un moment complice, juste vous et lui. Le monde peut s’ecrouler, vous vous en moquez. » Eh ben, ça promet. Bon allez, je viens chanter a ton mariage, et toi tu me fais une danse du ventre au mien, ok ? Faut qu’on s’entraine, merde, on a plus beaucoup de temps !

  - Eh, mais c’est fou, t’as vu, on a des horoscopes de folaï, ptain, c’est dingue, il va nous arriver des trucs supers !!!

  - Ouais, dis donc. Incroyable. Elle coupe la galette et en sert une part monstrueuse a Amel.

  - Tiens, hop, c’est pour toi, pour 2006, apres tu me verras plus, tu boufferas des pizzas en regardant des DVD.

  - Oh non, toi je t’appellerai toujours, tu le sais, c’est pas un con de mec qui va m’empecher de te voir !

  - Non mais alors, sans blague.

Et elles croquent leur galette en recouvrant le tapis de miettes.

Mardi 10/01/2006 :

  - Ouais, c’est moi. T’es ou ? t’es par la ? Tu fais quoi, a midi ? Audrey parle entre ses dents pour que personne ne l’entende.

  - Coucou, la je suis a Paseo de Gracia, je suis presque a cote de ton boulot. Tu finis a quelle heure ?

  - Vers 13h, je pense. J’en peux plus, la, faut que je me casse.

  - Ha ha, tu m’etonnes. Moi je viens de mon entretien, la, ils m’ont fait chier, ils veulent quelqu’un qui a le permis, je leur ai dit que j’etais en train de le passer, on verra bien.

  - Mais c’est pour quel poste ?

  - Pour un truc de VRP, faut aller vendre des livres de cours de langues, et du coup il faut une voiture.

  - Ah merde. Et en metro, ca le fait pas, non ?

  - Ben non, c’est dans des bleds paumés, faut aller dans les ecoles, et tout…

  - Ha ha, je t’y vois, dans les ecoles, toi. Bonjour, je suis amel….(elle prend une voix super sensuelle facon telephone rose), tu vas faire peur aux enfants.

  - T’es con. Bon, on se retrouve où, alors, je viens t’attendre en bas ?

  - Ouais, ok, a 1h.

  - Ca marche. Tchao tchao.

  - A plus.

A 13h elles marchent vers le resto Thai qui fait les menus midi a 8,50 euros.

Il fait une belle journée, le soleil brille et leur sourire aussi.

  - Tu sais, j’ai repensé au truc de l’horoscope, si ça se trouve c’est vrai. D’habitude, je regarde vachement les mecs dans la rue, et la, franchement, ce matin, j’avais pas envie, je me disais que j’avais envie d’un truc joli, tu vois, une vraie histoire, pas un truc de cul ou tu jettes le mec apres, non, une RELATION, quoi.

  - Ouais, un truc NORMAL, en fait, c’est ça ? Audrey se marre en mangeant ses raviolis frits. De temps a autre en ecoutant Amel, elle prend une gorgee de biere. Pour gagner du temps, aussi, parce qu’elle sait qu’elle aura deja fini son plat quand amel commencera son entree.

  - Ouais, un truc joli.

Amel fait jouer ses baguettes pour saisir un sashimi, qu’elle trempe dans la sauce sur toutes ses faces avant de l’engouffrer tout entier.

- Ch’est bon, ichi, djis donc, heimpff, quand mememmm, dit-elle, la bouche pleine. Non mais tu vois, en meme temps je me dis j’ai 30 ans, c’est le moment pour plein de choses, j’en ai profité jusqu’ici, mais j’ai envie de quelquechose d’autre, de different.

A ce moment, un serveur passe, elle le regarde de la tete aux pieds, de son regard de mante religieuse. Lui aussi, elle pourrait le prendre au bout de ses baguettes et le manger tout entier…

A 3 heures, Audrey reprend le chemin du bureau. A peine rentree dans les locaux, elle sent deja le souffle sec du chauffage lui bruler les joues. Tellement artificiel et confiné par rapport a la rue fraiche qu’elle vient de quitter. Un coussin mou qui l’etouffe, qui enveloppe les pensées et les empeche d’affluer, comme si elles devaient nager avec de larges palmes pour remonter a la surface. Elle s’asseoit devant son Macintosh et reflechit quelques minutes, en remuant la souris de temps en temps pour créer l’illusion devant ses collegues.

Elle pense qu’elle aussi elle aura bientôt 30 ans, l’age du premier bilan. Trop jeune pour abandonner ses reves, mais deja trop vieille pour changer completement de vie. Un compromis entre les ideaux et la securité, les illusions et la realité, la rebellion et le confort. Le bonheur se situerait-il au milieu ? Ou est le milieu ? Tout est tellement subjectif, suivant les personalites des gens,  le conformiste, le farfelu, le fort, le faible, le timide, l’arrogant. Tous des personnalites differentes et tous dans le meme moule, de quoi se blesser en essayant de limer les angles pour y rentrer. Elle pense a l’image de la prison dorée, etre enfermé comme un canari, et etre obligé de chanter pour qu’on vous donne des graines. Meme quand on en a pas envie. Comme un chien qui mettrait lui-même son collier et viendrait s’attacher tous les matins pour ensuite tirer sur sa chaine en gemissant toute la journée. L’homme est un peu fou, pense-t’elle, capable du meilleur comme du pire. On sait produire les choses en 3 fois moins de temps qu’avant et on travaille 3 fois plus. Bizarre, quand on y pense.

Petite, ses desirs n’etaient pourtant pas parmi les plus ambitieux : «moi je voudrais etre boulangère, ou buraliste », parce qu’elle aimait bien faire des gateaux, et aimait bien le bureau de tabac du centre ville, qui sentait bon les dragibus et les frites acidulées. Tres peu pour elle les pompières et les presidentes de la republique, non, du concret, du tout simple, du pratique. 20 ans de conditionnement social plus tard, etre boulangere c’est juste pour celles qui ont pas pu faire d’etudes, et vendre des Tacotac c’est la honte, donc on finit dans une entreprise 8 heures par jour a respirer les miasmes des autres dans 20 metres cubes d’air surchauffé, en restant persuadé qu’on s’est trompé de voie, mais en n’osant rien changer pour ne pas perdre l’estime de son entourage.

« …Et si je mourais demain ? serais-je satisfaite de ma vie ? et si on me donnait 6 mois a vivre, qu’est ce que je ferais de mes derniers jours ? » . Souvent elle se posait ces questions, et elle se disait que le grand desespoir de cette vie n’etait pas la mort en soi, mais plutot de ne pas pouvoir la prevoir. Si on nous disait exactement quel jour on allait mourir, on agirait differemment, on ne passerait pas le temps a amasser et a se preparer pour un hiver dont on ne sait quand il va commencer. Toute bonne gestion se fait avec des delais, des dead-lines(elle souriait devant ce jeu de mot sinistre), et a quoi ressemblait cette vie, ou on ne sait pas quand la fin arrive ? comme une salle de cinema dans laquelle on rentre de force, et sans savoir combien de temps dure le film ? Bizarre. Le bonheur est de se dire que chaque jour est peut etre le dernier, et d’en profiter au maximum, mais qu’en pensent les anciennes celebrités qui avaient une vie, une femme, des fans, et qui du jour au lendemain sans economies et surendettés se retrouvent a la rue ? Ils se disent qu’ils auraient dû prevoir. Ceci nous ramene a cela. »

13 janvier 2006

creation

c'est une idee marrante, ça, un "blog". Jusqu'a il y a 1 semaine, je n'avais aucune idee de ce que ca pouvait etre, et tout d'un coup on dirait que tout le monde a son blog. Au debut je me suis dit que c'etait encore un truc "cucu la praline", un coup de marketing pour pouvoir imposer aux gens des pop up et des espaces publicitaires., et puis je me suis dit que c'etait peut etre l'occasion d'ecrire, et d'etre lu. Pas pour etre pretentieux ni ambitieux (qui va lire ce blog? 2 personnes, dont moi?), mais simplement se sentir moins seul. J'ai toujours ecrit, depuis que je sais ecrire j'ecris pour moi, mais jamais je n'ai rien fait lire a personne sans que ca lui soit destiné. La j'aime bien l'idee de s'ecrire a soi, en laissant une petite fenetre ouverte par laquelle quelqu'un (un inconnu?) peut passer une tete et regarder par dessus mon epaule quelles sont mes pensees du moment. Chacun est libre, chacun reste anonyme ou presque. Pas d'engagement, que du volontaire, des deux cotes : on m'oblige pas a ecrire, j'oblige pas a lire. J'ai jamais aimé les obligations!

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