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La vie est drôle...*
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La vie est drôle...*
19 novembre 2006

Portrait de famille

La nuit derniere j’ai fait un drole de reve. J’ai revu toute la famille, les uns apres les autres, visage apres visage, depuis la dent argentee de pépé jusqu'aux fossettes de Janine, en passant par le sourire de Mémé, je les ai tous revus en detail, comme si je revenais 15 ans en arriere, avant que tout parte en morceaux.

Comme une caméra mobile, je passais au ras de leur visage, j’aurais pu toucher leurs cheveux, j’avais l’impression d’y être mais eux ne me voyaient pas, je pouvais presque sentir l’odeur fleurie de Janine, ou l’après rasage de Pépé. J’ai revu ses cheveux blancs cotonneux, j’ai revu son grain de beauté en relief sur sa joue, qui pendant des années a été une enigme (qu’y a-t’il à l’interieur ?), sa chemise à carreaux et son pantalon à bretelles qui lui montait jusque sous les bras, ses petits yeux bleus plus brillants que deux billes, ses pas traînants dans ses pantoufles bleu marine. J’ai vu Janine, elle riait en secouant un peu les épaules et les frisottis de ses cheveux, je crois qu’elle racontait une histoire de l’ècole, une de ces histoires naïves qui animaient ses journées et la rendaient toujours gaie. Ce sourire du bonheur, avec un petit espace entre les dents.

Ca sentait bon le café moulu, je pouvais encore entendre le bruit du vieux moulin Moulinex de Mémé à la cuisine, plus fort qu’une sirene de pompiers. Rien n’avait bougé dans la cuisine, le lino un peu gras, la plaque de contreplaqué recouverte d’adhésif imitation bois pour couvrir la machine à laver, les petits compartiments en plastique qui gardaient secretement les biscuits du chien, et la cafetière, qui produisait goutte à goutte un nectar inimitable et jamais égalé : le Café de Ma Grand Mere. L’odeur du café, l’odeur des bons moments, tout etait enveloppé dans cette odeur, une odeur peut résumer des années de bons moments. J’ai vu la peau ridée de mémé, cette peau tellement douce qu’on aurait voulu lui faire cinq bises au lieu de trois. J’ai revu le fauteuil rose, bleu, vert et blanc, il me semblait voir les bouloches du tissu. J’ai revu le radiateur sous la fenetre, sur lequel on s’asseyait en hiver quand il faisait froid. J’ai revu le buffet, je savais encore exactement la place de chaque chose, le pain en haut a gauche, les papiers en haut a droite, l’argent de la banque au  milieu dans une enveloppe, les couverts dans le tiroir de gauche, la vaisselle en bas, et le fameux tiroir de droite, ou s’entassaient les divers elements de recuperation de mémé : les rubans qui attachaient les brioches de chez Francez, les elastiques, les barrettes pour les cheveux, les stylos, les feutres, les etuis a lunettes et les cles de portes qu’on n’ouvrira plus jamais.

J’ai entendu le bruit que faisaient nos trois coups frappés sur la porte avant de rentrer, toujours le meme rythme, frapper, et entrer directement. La poignée de la porte, je l’ai vue aussi, ronde et doree. Le bruit des pas sur le lino, les chaises avec les galettes usées d’où sortait un peu de mousse orange, la nappe a carreaux toujours un peu collante, le tabouret avec l’aquarium dessus, ou se décoloraient d’ennui les pauvres poissons gagnés a la kermesse, la télé recouverte de cadres photos, la pile de journaux sur le radiateur et les plantes vertes toujours fleuries.

J’ai tout revu. J’y etais. Reellement, je crois que j’y etais. Tout etait comme un jeu video, je pouvais me tourner a 360 degres, je pouvais zoomer, il me suffisait de penser a un detail que j’aimerais  revoir et je pouvais m’approcher, le regarder de pres, presque le toucher. Je sentais les odeurs, j’en avais presque le gout dans la gorge, je pouvais sentir chaque chose, et chaque personne. J’aurais jamais imaginé avoir encore tout ca en memoire, tout est revenu d’un coup, comme un barrage ou on ouvre les vannes, un flot d’informations, un festival de sens, vue, odeur, toucher. Seules les voix etaient absentes. Je n’ai pas reussi a entendre les voix. Pourtant, j’ai essayé, je me suis approchée, mais aucun son ne sortait des bouches, comme un cinema muet. Peut etre que c’est mieux comme ça, sinon c’aurait ete encore plus dur de les quitter.

Je me suis reveillée et j’ai pleuré, peut etre que j’avais déjà commencé à pleurer pendant mon rêve. J’ai repensé a ces dimanches après midi, ou on se retrouvait tous, autour d’une fouace, une brioche ou un gateau au yahourt, ou meme un paquet de Speculoos de pépé, qu’il allait sortir de leur cachette au dessus de l’armoire pour l’occasion. Quand j’y etais, j’aurais jamais pensé que ça resterait les meilleurs souvenirs de mon enfance.

Le temps d’une nuit je les ai retrouvés, tous, eux qui m’etaient chers et qui sont partis trop tôt.

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